Faire apparaître le combat du Quart Monde dans l’actualité et dans l’histoire

Juin 2019 – Information Quart Monde – N°199

Comment a-t-il été possible, dans un état de droit comme la Suisse, que des personnes soient placées en institution, voire en prison, sur simple décision administrative et sans aucune possibilité de recours? Comment se fait-il qu’à l’époque ces violations de droits fondamentaux aient été considérées comme normales? Que pouvons-nous faire aujourd’hui afin de protéger les droits fondamentaux de tous?

Les publications de la commission indépendante d’experts (CIE) Internements administratifs invitent un large public à se situer par rapport à ces questions. ATD Quart Monde s’engage pour que personne ne soit laissé de côté dans ce débat.

L’émission Temps Présent de la RTS du 21 mars dernier « Pauvre mais pas fou» a rendu hommage au courage des personnes qui, jusqu’aux années quatre-vingt, avaient été enfermées en clinique psychiatrique voire soumises à des tests médicamenteux, sans pour autant être malades. Et aussi au courage de ces soignants qui, déjà à l’époque, avaient refusé de les considérer comme des malades mentaux. Retraçant l’histoire de Nelly Schenker, le journaliste Raphaël Engel a situé ATD Quart Monde comme « un Mouvement de libération de la parole des plus pauvres ».

De même, les projections du film documentaire « que sommes-nous devenus » ont permis à chaque fois des débats profonds et engagés autour de la question : Quels liens durables permettent de rétablir une confiance bafouée ? Suite à l’avantpremière du 11 octobre dernier, le film – déjà projeté à Delémont, Fribourg, Bulle – passera à la Chaux-deFonds (cinéma ABC) le 12 septembre et à Porrentruy le 22 septembre à 17h.

Dans le cadre d’une visite guidée de l’exposition de la CIE « Exclus & enfermés », le 1er juin sur la place de la gare à Fribourg, des membres d’ATD Quart Monde ont présenté les points forts issus des travaux du groupe « Chercheurs d’histoire pour l’avenir des enfants », menés de 2014 à 2018, en dialogue avec la recherche historique mandatée par le gouvernement. Une brochure a été rendue publique qui comprend six fiches thématiques. C’est un outil pour prolonger et élargir le dialogue avec un large public afin de relever ce défi: « Notre histoire doit servir aux générations futures pour que les choses changent. »*

Un séminaire, le 10 novembre 2018 au Centre national du Mouvement à Treyvaux, a tiré le bilan de ces années et identifié les conditions d’un vrai dialogue entre chercheurs universitaires et personnes ayant vécu ou vivant encore dans la pauvreté et l’exclusion. Une des historiennes présentes a souligné l’importance de l’expertise des premiers concernés:

« En tant qu’historien, à partir des matières qu’on nous donne, le point de vue des personnes concernées est souvent moins visible que le point de vue des autorités, des personnes qui ont mis en œuvre ces internements. (…) Ce n’était pas forcément prévu, mais très vite cela s’est imposé comme une évidence. On a voulu essayer de solliciter ces personnes comme des experts, il nous semblait qu’elles pouvaient nous permettre de nous interroger sur des thèmes auxquels nous n’avions pas pensé. »

Le rapport final de la CIE Internements administratifs remis au Conseil fédéral paraîtra en septembre. Il contient non seulement la synthèse scientifique et les recommandations de la Commission indépendante d’experts, mais aussi des textes de personnes concernées, dont l’apport du Mouvement ATD Quart Monde. Nous l’attendons avec impatience.

Marie-Rose Blunschi, Caroline Petitat